Inventer les droits complémentaires du lecteur

Les 10 droits du lecteurs de daniel pennac

Tonbooktoo, le 5 Octobre 2024, les lecteurs ont-ils des droits ? Ref: Les droits du lecteur, Daniel Pennac.

Cher lecteur,

Pour comprendre ce qui va suivre, il faudrait idéalement regarder ce petit extrait. Sinon, ce texte ne sera qu’à moitié bien amené, ce qui serait bien dommage.

Alors comme ça, il faudrait une aristocratie des lecteurs ? Ne lire qu’en s’imposant l’humilité de se savoir en dessous de la littérature – si quelqu’un.e en connait les frontières précises, d’ailleurs ?

BEN VOYONS ! Pourquoi ne pas s’obliger à lire uniquement à la bougie jusqu’à ce que cécité s’en suive aussi ?

S’il y a bien une règle avec la lecture, c’est que le lecteur à tous les droits. C’est bien pour ça que les participants du “Tonbooktoo” invoquent si souvent les “10 droits du lecteur” de Daniel Pennac. Souvent ? A CHAQUE FOIS ! 10 droits qui font l’essence de la lecture, auxquels il appartient à chacun de renoncer ou de s’abandonner sans vergogne.

Il fera froid chez Hadès quand on nous verra obliger qui que ce soit à lire, et il y gèlera si qui que ce soit devait finir son livre avant de pouvoir dire qu’il l’a lu !

Je dirais même plus (formule destinée uniquement aux lecteurs de Tintin, mais les autres ont le droit de la lire aussi) : comme rien n’arrête le progrès social, nous allons désormais conquérir des droits complémentaires, que je m’en vais vous énumérer. Pas de raison que le progrès ne progresse pas en matière de lecture, la marche de l’histoire (de fiction) est inarrêtable.

Droit n°11 (après le 10e de Daniel Pennac)

Le droit de lire à l’envers (corolaire au droit de grapiller) : c’est très pratique pour les lecteurs de Mangas, sinon on ne comprend pas et on est énervé. C’est aussi vivement recommandé juste pour se marrer.

Droit n°12

Le droit de détruire le livre. Je vous vois, à grincer des dents, vous insurger et pleurer du sang, mais pensez-y. Ce qui est sacré, c’est ce qui est à l’intérieur du livre. L’objet est quant à lui joyeusement découpable et surlignable, théoriquement compostable, en pratique recyclable, au pire brûlable. Tirons-en parti par exercice de raison, au lieu de nous trouver submergés de livres aux trois-quarts périmés. La bigotterie de l’imprimé n’a que trop duré. Tous les cailloux ne sont pas des diamants.

Doit n°13

Le droit d’oublier ce qu’on a lu. Parce que oui, j’avais oublié la fin “inoubliable” de la Venus d’Isle, j’ai eu un 2, alors que JE L’AVAIS LU VOTRE LIVRE TOUT NUL. Dans certains cas, savoir oublier nous donne le privilège, sans prix, de pouvoir relire pour la première fois. Qu’est-ce que je ne donnerais pas pour relire Harry Potter pour la première fois ? Ou Le Lion ? Ou Le Petit Prince ?

Droit n°14

Le droit de savourer par anticipation. Pouvoir sortir de la médiathèque avec 24 tomes de “Lanfeust” à lire d’un coup, ça devrait être dans la constitution.

Droit n°15

Le droit au Tsundoku ou droit d’empiler sans lire. Le Tsundoku, c’est le fait de se laisser dépasser par sa pile de livres à lire. (Mona Chollet “Beauté Fatale”1). Sans aller jusqu’à adopter tous les livres abandonnés, on a quand même le droit de faire entrer dans sa bibliothèque des livres que nous n’aurons jamais le temps de lire. Faisons fi des injonctions au minimalisme : si les livres nous rassurent, nous cajolent, nous mettent en joie sans même les lire, pourquoi serions-nous obligés de nous en priver ?

Tremblez, bigots de la littérature ! Les païens continuent de lire (en particulier les livres de poche), et ils ne sont pas prêts de s’arrêter.

Notes de bas de page

  1. “J’ai les moyens d’acheter des livres, mais moins de temps pour les lire. En contemplant les piles qui encombrent l’appartement, j’essaie d’évaluer de combien leur volume dépasse déjà la somme de temps que j’aurai jamais à leur consacrer. Je découvre avec soulagement qu’en japonais il existe un mot pour cela : tsundoku (“acheter des livres et ne pas les lire; les laisser s’empiler sur le sol, les étagères ou la table de nuit”). Auparavant, aucun essai ne me semblait trop ardu si le sujet m’intéressait: je m’installais à la table du salon et je laissais les heures s’écrouler sereinement, soulignant avec soin les passages marquants au crayon et à la règle. En protégeant ma concentration, la pièce autour de moi semblait me seconder dans mes efforts et partager l’émerveillement des révélations qu’ils me valaient. Désormais, la journée ayant épuisé mon énergie intellectuelle, je suis trop fatiguée le soir pour faire autre chose que regarder des séries télévisées. J’aime beaucoup les séries, mais je reste à la porte des révélations. Et un peu à la porte de chez moi aussi..”

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